Sandrine CHARLES : scharles@biomserv.univ-lyon1.fr

Introduction

Soit \(E\) un espace vectoriel sur \[\mathbb{R}\]et \(f\) un endomorphisme de \(E\) dans \(E\).

\(E\) est muni de la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\).

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, la matrice associée à \[f:E \to E\] relativement à la base \[{B_E}\] est définie par les coordonnées des \[f\left( {{{\vec u}_i}} \right)\] dans la base \[{B_E}\] ; elle est notée \[{{\mathbf{M}}_f}\].

Soit \({B'_E} = \left\{ {{{\vec u'}_1},{{\vec u'}_2}, \ldots ,{{\vec u'}_n}} \right\}\) une autre base de \(E\).

Soit \(P\) la matrice de passage de la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\) vers la base \({B'_E} * \left\{ {{{\vec u'}_1},{{\vec u'}_2}, \ldots ,{{\vec u'}_n}} \right\}\) :

\(\begin{gathered}\)

\(\end{array} \hfill \\\)

\(\end{array}} \right)\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array} \hfill \\\)

$\end{gathered} $

où les \[{p_{ij}}\] sont les coordonnées des \[{\vec u'_j}\] dans la base \({B_E}\).

Dans le chapitre précédent, on a vu que la matrice \[{{\mathbf{M'}}_f}\] de \(f\) dans la base \({B'_E} = \left\{ {{{\vec u'}_1},{{\vec u'}_2}, \ldots ,{{\vec u'}_n}} \right\}\) était définie par \[{{\mathbf{M'}}_f} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{{\mathbf{M}}_f}{\mathbf{P}}\].

Dans ce nouveau chapitre, l’objectif est de chercher des bases de \(E\) pour lesquelles la forme de la matrice \[{{\mathbf{M}}_f}\] soit la plus simple possible comme par exemple une matrice diagonale.

On dira que f est diagonalisable s’il existe une base \({B'_E}\) telle que \(${{\mathbf{M'}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$.

Le problème consiste à :



Remarque

L’intérêt de travailler avec des matrices diagonales est la réalisation possible de certains calculs comme par exemple \[\det \left( {{{\mathbf{M}}_f}} \right)\], \[{\mathbf{M}}_f^{ - 1}\] ou \[{\left( {{{\mathbf{M}}_f}} \right)^k}\] pour \[k \in \mathbb{R}\].

1 Vecteurs et valeurs propres

La clef de la diagonalisation est la notion de vecteur propre. On rappelle que ce chapitre est consacré uniquement aux endomorphismes d’espaces vectoriels.

Définitions

Soit \[f \in L\left( {E,E} \right)\]. Un vecteur \[\vec v \in E\] est dit vecteur propre de \(f\) si :

  1. \[\vec v \ne \vec 0\]

  2. \[\exists \lambda \in \mathbb{R}$Z$ tel que \]f( {v} ) = v$$

Le scalaire \[\lambda \] est appelé valeur propre associée à \[\vec v\].

Remarques

  1. Alors que les vecteurs propres sont non nuls par définition (en particulier parce qu’ils serviront ultérieurement à construire de nouvelles bases), les valeurs propres peuvent être nulles. Ainsi, les vecteurs (non nuls) de \[\ker \left( f \right)\] sont les vecteurs propres associés à \[\lambda = 0\] : \[\ker \left( f \right) \ne \left\{ {\vec 0} \right\}\].

  2. Si \[\vec v\] est un vecteur propre correspondant à la valeur propre \[\lambda \], alors pour tout \[\mu \in \mathbb{R}\] (\[\mu \ne 0\]), \[\mu \vec v\] est aussi un vecteur propre correspondant à la même valeur propre \[\lambda \]. Il existe donc une infinité de vecteurs propres associés à une même valeur propre.

è Ainsi, les vecteurs propres sont soit les vecteurs du noyau de \(f\), soit les vecteurs qui restent colinéaires sous l’action de \(f\).

Théorème

\[f \in L\left( {E,E} \right)\] est diagonalisable si et seulement si il existe une base de \(E\) formée de vecteurs propres.

Démonstration *

Unnamed Image Exemple 1 (très important)

Soit \($\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}\)$ définie par \[\vec u = \left( {{u_1},{u_2}} \right) \mapsto f\left( {\vec u} \right) = \left( {{u_1} + {u_2},{u_1} - {u_2}} \right)\].

Rechercher les vecteurs et valeurs propres de \(f\). Réponse.

2 Recherche des valeurs propres. Polynôme caractéristique.

Soit \[\lambda \] une valeur propre de \(f\) un endomorphisme de \(E\) dont la matrice associée est \[{{\mathbf{M}}_f}\] relativement à la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\). Il existe donc un vecteur \[\vec v \in E\] (\[\vec v \ne \vec 0\]) tel que \[f\left( {\vec v} \right) = \lambda \vec v\] soit encore \[\left( {f - \lambda Id} \right)\left( {\vec v} \right) = \vec 0\], où* Id* est l’application identité qui à tout vecteur de \(E\) associe lui-même. Comme \[\vec v \ne \vec 0\], cela signifie que l’endomorphisme \[\left( {f - \lambda Id} \right)\] n’est pas injectif : \[\ker \left( {f - \lambda Id} \right) \ne \left\{ {\vec 0} \right\}\]. De ce fait, \[\left( {f - \lambda Id} \right)\] n’est pas bijectif et donc la matrice qui lui est associée \[\left( {{{\mathbf{M}}_f} - \lambda {{\mathbf{I}}_n}} \right)\] n’est pas inversible, d’où :

\[\det \left( {{{\mathbf{M}}_f} - \lambda {{\mathbf{I}}_n}} \right) = 0\] Revoir chapitre 3, paragraphe 5

Soit \[{{\mathbf{M}}_f}\]** **est la matrice associée à \(f\) dans la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\) :

\(${{\mathbf{M}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

La condition pour que \[\lambda \] soit valeur propre s’écrit :

\($\left| {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right| = 0\)$

En développant ce déterminant, on trouve une équation du type :

\[{( - 1)^n}{\lambda ^n} + {\alpha _{n - 1}}{\lambda ^{n - 1}} + ... + {\alpha _1}\lambda + {\alpha _0} = 0\]

dont les racines dans \[\mathbb{R}\] sont les valeurs propres de \(f\).

Cette équation est appelée équation caractéristique et le polynôme du premier membre appelé polynôme caractéristique de \(f\) ; ce dernier est noté \[{{\text{P}}_f}\left( \lambda \right)\].

Proposition

Soit \[f \in L\left( {E,E} \right)\]\(E\) est un espace vectoriel de dimension \(n\). Les valeurs propres de \(f\) sont les racines du polynôme \[{{\text{P}}_f}\left( \lambda \right) = \det \left( {{{\mathbf{M}}_f} - \lambda {{\mathbf{I}}_n}} \right)\].

Exemple 2

Soit \[f:{\mathbb{R}^2} \to {\mathbb{R}^2}\] l’endomorphisme dont la matrice relative à la base canonique de \[{\mathbb{R}^2}\] est \(${{\mathbf{M}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$. Déterminer les valeurs propres de \(f\). Réponse.


Définition

On dit que \[\lambda \] est une valeur propre de multiplicité \[\alpha \] si \[\lambda \] est racine d’ordre \[\alpha \] de \[{{\text{P}}_f}\left( \lambda \right)\].


Exemple 3

Soit \[f:{\mathbb{R}^3} \to {\mathbb{R}^3}\] l’endomorphisme dont la matrice relativement à la base canonique de \[{\mathbb{R}^3}\] est \(${{\mathbf{M}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$. Déterminer les valeurs propres de \(f\). Réponse.


Remarque

Une valeur propre de multiplicité 1 est dite valeur propre simple ;

Une valeur propre de multiplicité 2 est dite valeur propre double.


Définition

L’ensemble des valeurs propres d’un endomorphisme \(f\) est appelé spectre de \(f\).

3 Recherche des vecteurs propres

Une fois les valeurs propres calculées, on détermine les vecteurs propres en résolvant un système linéaire de la forme : \[\left( {{{\mathbf{M}}_f} - \lambda {{\mathbf{I}}_n}} \right){\mathbf{V}} = {\mathbf{0}}\]\(V\) est la matrice des coordonnées d’un vecteur propre \[\vec v = \left( {{v_1}, \ldots ,{v_n}} \right)\] associé à la valeur propre \[\lambda \]. \[{\mathbf{0}}\] est la matrice des coordonnées du vecteur nul \[\vec * = \left( {0, \ldots ,0} \right)\].

Exemple 4

Soit \[f:{\mathbb{R}^2} \to {\mathbb{R}^2}\] l’endomorphisme dont la matrice relative à la base canonique de \[{\mathbb{R}^2}\] est \(${{\mathbf{M}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$. Rechercher les vecteurs propres de \(f\). Réponse.

è Une fois déterminés les vecteurs propres, on peut vérifier qu’ils forment une base \[V = \left\{ {{{\vec v}_1},{{\vec v}_2}, \ldots ,{{\vec v}_p}} \right\}\], et que la matrice associée à l’application linéaire relativement à cette base est diagonale avec : * \(${{\mathbf{D}}_V} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

\[{\mathbf{0}}\] signifie qu’en dehors de la diagonale tous les coefficients de \[{{\mathbf{D}}_V}\] sont nuls.

è La matrice de passage de la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\)à la base des vecteurs propres \[V = \left\{ {{{\vec v}_1},{{\vec v}_2}, \ldots ,{{\vec v}_p}} \right\}\] est construite en mettant en colonne les coordonnées des vecteurs propres associés à chacune des valeurs propres : * \(${\mathbf{P}} = \left[ {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right]\)$

è Les matrices \[{{\mathbf{M}}_f}\] de f relativement à la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\) et \[{{\mathbf{D}}_V}\] relativement à la base de vecteurs propres \[V = \left\{ {{{\vec v}_1},{{\vec v}_2}, \ldots ,{{\vec v}_p}} \right\}\] sont semblables: * \[{{\mathbf{D}}_V} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{{\mathbf{M}}_f}{\mathbf{P}}\]

Remarque

L’ordre des valeurs propres dans \[{{\mathbf{D}}_V}\]** **dépend de l’ordre des vecteurs propres dans \(P\), la matrice de passage dans la base des vecteurs propres. Généralement, on classe les valeurs propres par ordre décroissant.

**

**

Exemple 4 (suite)

En reprenant l’exemple 4 précédent, montrer que les vecteurs propres de \(f\) forment bien une base \[V = \left\{ {{{\vec v}_1},{{\vec v}_2}} \right\}\]. Déterminer alors \[{{\mathbf{M}}_V}\] la matrice associée à \(f\) relativement à cette base. Réponse.

4 Caractérisation des endomorphismes diagonalisables

Définition

Soit \[f \in L\left( {E,E} \right)\] diagonalisable. Soit \[\lambda \in \mathbb{R}\] une valeur propre de \(f\). On note \(${E_\lambda * = \left\{ {{{\vec v \in E} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\vec v \in E} {f\left( {\vec v} \right) = \lambda \vec v}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {f\left( {\vec v} \right) = \lambda \vec v}}} \right\}\)$. \[{E_\lambda }\] est un sous-espace vectoriel de \(E\) appelé sous-espace propre associé à \[\lambda \].

Proposition

Soient \(f\) un endomorphisme diagonalisable de \(E\) et \[\lambda \in \mathbb{R}\] une valeur propre de \(f\). Alors le sous-espace propre \[{E_\lambda }\] associé à \[\lambda \] est un sous-espace vectoriel de E.

Vérification

Proposition

Soient \[{\lambda _1}, \ldots ,{\lambda _p}\] des valeurs propres deux à deux distinctes de \[f \in L\left( {E,E} \right)\] diagonalisable. Alors les sous-espaces propres \[{E_{{\lambda _1}}}, \ldots ,{E_{{\lambda _p}}}\] sont en somme directe.

Cette proposition signifie que si \[{V_1}, \ldots ,{V_n}\] sont des bases de \[{E_{{\lambda _1}}}, \ldots ,{E_{{\lambda _p}}}\] alors \[V\user1{ = }\bigcup\limits_{i = 1}^{i = p} {{V_i}} \] est une famille libre de \(E\) (non nécessairement génératrice).

Remarque

La somme directe des espaces propres n’est pas forcément \(E\) tout entier. Ce n’est effectivement le cas que si :

\[\dim \left( {{E_{{\lambda _1}}}} \right) + \ldots + \dim \left( {{E_{{\lambda _p}}}} \right) \leqslant \dim \left( E \right)\]

\[ \Rightarrow \] C’est tout le problème de la diagonalisation.

Théorème

Soit \[f \in L\left( {E,E} \right)\]. Alors \(f\) est diagonalisable si et seulement si :

  1. \[{{\text{P}}_f}\left( \lambda \right) = {( - 1)^n}{(\lambda - {\lambda _1})^{{\alpha _1}}}...{(\lambda - {\lambda _p})^{{\alpha _p}}}\] avec \[{\lambda _1}, \ldots ,{\lambda _p} \in \mathbb{R}\] et \[{\alpha _1} + \ldots + {\alpha _p} = n\]

  2. Pour chaque valeur propre \[{\lambda _i}\] de multiplicité \[{\alpha _i}\], on * : \[\dim \left( {{E_{{\lambda _i}}}} \right) = {\alpha _i}\].

Corollaire 1

\(f\) est diagonalisable si et seulement si \[\dim \left( E \right) = \dim \left( {{E_{{\lambda _1}}}} \right) + \ldots + \dim \left( {{E_{{\lambda _p}}}} \right)\] *

Exemple 5

Soit \[f:{\mathbb{R}^3} \to {\mathbb{R}^3}\] l’endomorphisme dont la matrice relative à la base canonique de \[{\mathbb{R}^3}\] est \(${{\mathbf{M}}_f} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$. Rechercher les vecteurs et les valeurs propres de f, ainsi que les sous-espaces propres associés. Réponse. *

Corollaire 2

Si \[\dim \left( E \right) = n\] et si \(f\) admet \(n\) valeurs propres deux à deux distinctes, alors \(f\) est diagonalisable.

Exemple

En revenant à l’exercice 2 de ce chapitre, on démontre immédiatement que \(f\) est diagonalisable car \(f\) est un endomorphisme de\[{\mathbb{R}^2}\], \[\dim \left( {{\mathbb{R}^2}} \right) = 2\] et \(f\) admet deux valeurs propres simple \[{\lambda _1} = 3\] et \[{\lambda _2} = 2\].

5 Application : calcul de la puissance d’une matrice

Soit \[f \in L\left( {E,E} \right)\] diagonalisable et de matrice \[{\mathbf{M}}\] relativement à la base \({B_E} = \left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}, \ldots ,{{\vec u}_n}} \right\}\). \(f\) étant diagonalisable, on sait qu’il existe deux matrices \[{\mathbf{D}}\] diagonale et \(P\) inversible telles que \[{\mathbf{D}} * {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{MP}}\] avec :

\(${\mathbf{D}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

où les \[{\lambda _i}\] sont les valeurs propres de \(f\). On rappelle que les colonnes de \(P\) sont les vecteurs propres associés à chacune des valeurs propres : \(${\mathbf{P}} = \left[ {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right]\)$.

Par ailleurs \[{\mathbf{D}} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{MP}} \Leftrightarrow {\mathbf{M}} = {\mathbf{PD}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}}\]. En effet :

\[{\mathbf{D}} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{MP}}\]

\[ \Leftrightarrow {\mathbf{D}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{M}}\underbrace {{\mathbf{P}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}}}_{\mathbf{I}}\] en multipliant à droite par \[{{\mathbf{P}}^{ - 1}}\]

\[ \Leftrightarrow {\mathbf{D}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{M}}\] puisque \[{\mathbf{P}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = {\mathbf{I}}\]

\[ \Leftrightarrow {\mathbf{PD}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = \underbrace {{\mathbf{P}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}}}_{\mathbf{I}}{\mathbf{M}}\] en multipliant à gauche par \[{\mathbf{P}}\]

\[ \Leftrightarrow \boxed{{\mathbf{PD}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = {\mathbf{M}}}\] puisque \[{\mathbf{P}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}} = {\mathbf{I}}\]

· Calcul de la puissance 2 d’une matrice

\($\begin{gathered}\)

$\end{gathered} $$

Or le calcul de \[{{\mathbf{D}}^2}\] est simple puisque la matrice est diagonale :

\(${\left( {\mathbf{D}} \right)^2} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

· Calcul de la puissance \(k\) d’une matrice, \[k \in \mathbb{R}\] :

\($\begin{gathered}\)

$\end{gathered} $$

avec :

\(${\left( {\mathbf{D}} \right)^k} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$


Exemple 6

Soit \(${\mathbf{M}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$. Calculer \[{{\mathbf{M}}^k}\]. Réponse.

6 Exemple d’application à la génétique

On s’intéresse dans cet exemple à l’évolution de la structure génétique d’une population d’une espèce autogame diploïde.

Les individus de cette espèce pratiquent l’autofécondation, il va en résulter une évolution remarquable de la structure génétique de la population. Nous considérerons un gène bi-allélique : Aa.

Les individus homozygote ont des descendants homozygotes de la même catégorie.

Les individus hétérozygotes ont des descendants :

On appelle \[{p_k},{q_k},{r_k}\] les fréquences d’individus AA, Aa, aa à la \(k\)ième génération :

\[{p_k} + {q_k} + {r_k} = 1\]

Connaissant \[{p_k},{q_k},{r_k}\], cherchons les fréquences des trois types d’individus à la (\(k\)+1)ième génération :

\($\left\{ \begin{gathered}\)

\(\end{gathered} \right.\)$

Ce qui peut encore s’écrire :

\($\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$ avec \(${\mathbf{A}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&1\)

\(\end{array}} \right)\)$

Il en découle que :

\($\begin{gathered}\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{AA}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {{\mathbf{A}}^2}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \hfill \\\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {{\mathbf{A}}^2}{\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {{\mathbf{A}}^3}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \hfill \\\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow \ldots \hfill \\\)

\(\end{array}} \right) = {\mathbf{A}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow \boxed{\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = {{\mathbf{A}}^{k - 1}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)} \hfill \\\)

$\end{gathered} $$

Ainsi, pour connaître les fréquences d’individus AA, Aa et aa à la \(k\)ième génération, il faut calculer \[{{\mathbf{A}}^{k - 1}}\], et pour cela on utilise la méthode de diagonalisation que l’on a vu dans ce chapitre 4, paragraphe 5.

  1. On cherche les valeurs propres de \(A\) :

\(${{\text{P}}_f}\left( \lambda \right) = \det \left( {{\mathbf{A}} - \lambda {{\mathbf{I}}_3}} \right) = \left| {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 {2 - \lambda }}} \right.\)

\($\kern-\nulldelimiterspace} {2 - \lambda }}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&{1 - \lambda }\)

\(\end{array}} \right|\)$

En développant par rapport à la 1ère colonne on obtient immédiatement :

\(${{\text{P}}_f}\left( \lambda \right) = \left( {1 - \lambda } \right)\left( {{1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {2 - \lambda }}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {2 - \lambda }}} \right)\left( {1 - \lambda } \right) = {\left( {1 - \lambda } \right)^2}\left( {{1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {2 - \lambda }}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {2 - \lambda }}} \right)\)$

Ainsi, \[{\lambda _1} = 1\] est une valeur propre double (de multiplicité 2) et \(${\lambda _2} = {1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}\)$ est une valeur propre simple (de multiplicité 1).

  1. On cherche les vecteurs propres associés aux valeurs propres :

· Si \[{\lambda _1} = 1\], on cherche les vecteurs \[{\vec v_1} = \left( {a,b,c} \right)\] tels que \[{\mathbf{A}}{{\mathbf{V}}_1} * {\lambda _1}{{\mathbf{V}}_1}\] :

\(${\mathbf{A}}{{\mathbf{V}}_1} * {\lambda _1}{{\mathbf{V}}_1} \Leftrightarrow \left( {{\mathbf{A}} - {\lambda _1}{{\mathbf{I}}_3}} \right){{\mathbf{V}}_1} = {\mathbf{0}} \Leftrightarrow \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0 \\\)

\({\vphantom {{ - 1} 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\($0 \\\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow b = 0\)$

Les vecteurs propres associés à \[{\lambda _1} = 1\] sont de la forme \[\left( {a,0,c} \right)\], c’est-à-dire qu’ils s’écrivent comme combinaison linéaire des vecteurs de coordonnées \[\left( {1,0,0} \right)\] et \[\left( {0,0,1} \right)\] : \[\left( {a,0,c} \right) = a\left( {1,0,0} \right) + c\left( {0,0,1} \right)\].

\(·\)Si \(${\lambda _2} = {1 \mathord{\left/\)

\(·\)\({\vphantom {1 2}} \right.\)

· \(\kern-\nulldelimiterspace} 2}\)$, on cherche les vecteurs \[{\vec v_2} = \left( {d,e,f} \right)\] tels que \[{\mathbf{A}}{{\mathbf{V}}_2} * {\lambda _2}{{\mathbf{V}}_2}\] :

\($\begin{gathered}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&{{1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&{{1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \hfill \\\)

\(${d \mathord{\left/\)

\({\vphantom {d 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2} + {e \mathord{\left/\)

\({\vphantom {e 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4} = 0 \hfill \\\)

\({\vphantom {e 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4} + {f \mathord{\left/\)

\({\vphantom {f 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2} = 0 \hfill \\\)

\(\end{gathered} \right. \Leftrightarrow \left\{ \begin{gathered}\)

\(\end{gathered} \right. \hfill \\\)

$\end{gathered} $$

Les vecteurs propres associés à \[{\lambda _1} = 1\] sont donc de la forme \[\left( {d, - 2d,d} \right)\], c’est-à-dire qu’ils sont tous colinéaires au vecteur de coordonnées \[\left( {1, - 2,1} \right)\] : \[\left( {d, - 2d,d} \right) = d\left( {1, - 2,1} \right)\].

  1. On construit la matrice de passage dans la base des vecteurs propres, on mettant en colonne dans la matrice les vecteurs propres précédents :

\(${\mathbf{P}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

  1. On calcule \[{{\mathbf{P}}^{ - 1}}\] :

En développant par rapport à la 1ère colonne, on obtient \[\det {\mathbf{P}} = 2\] ; puis :

\($Adj{\mathbf{P}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Rightarrow {{\mathbf{P}}^{ - 1}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0\)

\(\end{array}} \right)\)$

  1. On diagonalise \(A\) en calculant \[{\mathbf{D}} * {{\mathbf{P}}^{ - 1}}{\mathbf{AP}}\]

\(\begin{gathered}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 4}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 4}}&1\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}} \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}\)

\(\end{array}} \right) \Rightarrow {\mathbf{D}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \\\)

$\end{gathered} $

  1. On calcule ensuite \[{{\mathbf{D}}^{k - 1}}\] :

\({{\mathbf{D}}^{k - 1}} = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 {{2^{k - 1}}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^{k - 1}}}}}\)

\(\end{array}} \right)\) : on rappelle que \[{1^k} = 1,{\text{ }}\forall k \in \mathbb{R}\]

Unnamed ImageNe pas confondre \(${1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {{2^k}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^k}}} = \frac{1}{{{2^k}}}\)$ avec \({\left( {{1 \mathord{\left/\)

\(${\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}} \right)^k}\).

  1. Enfin, on calcule \[{{\mathbf{A}}^{k - 1}}\] par \[{{\mathbf{A}}^{k - 1}} = {\mathbf{P}}{{\mathbf{D}}^{k - 1}}{{\mathbf{P}}^{ - 1}}\] :

\(\begin{gathered}\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 {{2^{k - 1}}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^{k - 1}}}}}\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0\)

\(\end{array}} \right) \\\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1 \\\)

\({\vphantom {{ - 1} {{2^k}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^k}}}}&0\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2} - {1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {{2^k}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^k}}}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 {{2^{k - 1}}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^{k - 1}}}}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2} - {1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {{2^k}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^k}}}}&1\)

\(\end{array}} \right) \\\)

$\end{gathered} $

Du calcul précédent, on peut en déduire les valeurs vers lesquelles vont tendre les fréquences \[{p_k},{q_k},{r_k}\] lorsque \[k \to + \infty \] :

\($\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = \mathop {\lim }\limits_{k \to + \infty } {{\mathbf{A}}^{k - 1}}\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) \Leftrightarrow \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&0 \\\)

\({\vphantom {1 2}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} 2}}&1\)

\(\end{array}} \right)\left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right) = \left( {\begin{array}{*{20}{c}}\)

\(\end{array}} \right)\)$

car \($\mathop {\lim }\limits_{k \to \infty } {1 \mathord{\left/\)

\({\vphantom {1 {{2^k}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {{2^k}}} = 0\)$.

Ainsi, d’un point de vue biologique, quelle que soit la condition initiale, au bout d’un certain temps, il ne reste plus dans la population que les individus homozygotes, avec les génotypes AA et aa. Les individus hétérozygotes ont disparus.