Sandrine CHARLES : scharles@biomserv.univ-lyon1.fr

Introduction

L’algèbre linéaire est un champ mathématique utilisé dans pratiquement toutes les branches scientifiques. En effet, beaucoup de problèmes vérifient la propriété suivante : si \(u\) et \(v\) sont deux solutions alors \[u + v\] est aussi une solution, ainsi que \[k \times u\] si \(k\) est un nombre réel ou complexe. De tels problèmes sont dits linéaires et sont plus faciles à résoudre que certains problèmes généraux.

Un premier exemple

Si on considère deux points dans un plan, la droite qui les relie définit une direction, et une flèche sur cette droite définit un sens. * align=center>

Unnamed Image

Unnamed Image

Unnamed Image

Deux points

une direction

un sens

Deux points avec une direction et un sens forment un vecteur du plan noté \[\overrightarrow {AB} \].

Sur des vecteurs de même origine, on peut définir deux opérations (cohérentes avec ce que vous avez vu des forces en physique) :

Unnamed Image





$ + = $

Unnamed Image

Un deuxième exemple

L’expression \[{a_0} + {a_1}x * {a_2}{x^2} + \ldots + {a_n}{x^n}\], dont les coefficients \[{a_0},{a_1},{a_2}, \ldots ,{a_n}\] appartenant à \[\mathbb{R}\], est un polynôme de degré \(n\). On peut comme précédemment définir deux opérations sur les polynômes :

\(\begin{gathered}\)

$\end{gathered} $

Le polynôme \[{\text{P + Q}}\] est également un polynôme de degré \(n\).

\(\begin{gathered}\)

$\end{gathered} $

Le polynôme \[\lambda \times {\text{P}}\] est également un polynôme de degré \(n\).

Il est petit à petit apparu que de tels ensembles (l’ensemble des vecteurs, l’ensemble des polynômes de degré \(n\), et bien d’autres encore), pourtant très différents les uns des autres, se ressemblent en fait au travers de l’existence de deux opérations : l’addition (+) et le produit par un nombre réel (\[ \times \]). Pour permettre de ne pas répéter à chaque fois les caractéristiques et propriétés de ces ensembles, les mathématiciens ont défini un « modèle » qui ne vérifie qu’un nombre minimum de propriétés (des axiomes), mais juste assez pour éviter des cas pathologiques. Ce modèle, encore appelé Espace Vectoriel, a donc des propriétés partagées par de nombreux ensembles, comme celui des vecteurs, celui des polynômes de degré \(n\), et bien d’autres encore que nous rencontrerons dans ce cours.

Historiquement, c’est à Peano que revient le mérite d’avoir défini de façon axiomatique le concept d’espace vectoriel sur un corps de scalaires. Le terme scalaires (du latin scalaris = escalier, échelle) est utilisé au sens de numérique.

1 Espaces vectoriels

Définition

On appelle espace vectoriel un ensemble \(E\) d’éléments, appelés vecteurs, sur lesquels on peut définir deux lois de composition.

  1. Une loi de composition interne : l’addition notée + qui vérifie :

a1. \[\forall \vec x,\vec y,\overset{\lower0.5em\hbox{$\smash{\scriptscriptstyle\leftarrow}$}}{z} \in E\] : \[\left( {\vec x + \vec y} \right) + \vec z = \vec x + \left( {\vec y + \vec z} \right)\] (associativité)

a2. \[\forall \vec x,\vec y \in E\] : \[\vec x + \vec y = \vec y + \vec x\] (commutativité)

a3. \[\exists \vec 0 \in E\] tel que \[\forall \vec x \in E\], \[\vec x + \vec 0 = \vec x\] : \[\vec 0\] est élément neutre de \(E\).

a4. \[\forall \vec x \in E\], \[\exists \vec x' \in E\] tel que \[\vec x + \vec x' = \vec 0\] : \[\vec x'\] est l’élément opposé de \[\vec x\].

  1. Une loi de composition externe : la multiplication par un scalaire, notée \[ \times \], qui vérifie :

b1. \[\forall \lambda ,\mu \in \mathbb{R}\], \[\forall \vec x \in E\] : \[\lambda \times \left( {\mu \times \vec x} \right) = \left( {\lambda \times \mu } \right) \times \vec x\]

b2. \[\forall \lambda ,\mu \in \mathbb{R}\], \[\forall \vec x \in E\] : \[\left( {\lambda + \mu } \right) \times \vec x = \lambda \times \vec x + \mu \times \vec x\]

b3. \[\forall \lambda \in \mathbb{R}\], \[\forall \vec x,\vec y \in E\] : \[\lambda \times \left( {\vec x + \vec y} \right) = \lambda \times \vec x + \lambda \times \vec y\]

b4. \[\forall \vec x \in E\] : \[1 \times \vec x = \vec x\] *

Remarques

  1. Le dernier axiome (b4) peut paraître inutile. Cependant, si on considère l’ensemble \(E\) des couples \[\left( {x,y} \right)\] tels que \[x,y \in \mathbb{R}\] muni de la loi de composition externe \[\lambda \times \left( {x,y} \right) = \left( {\lambda \times x,0} \right)\], on en comprend immédiatement l’utilité.Unnamed Image
  1. Par soucis de clarté, le symbole \[ \times \] de la loi de composition externe sera désormais omis. Ainsi, l’élément \[\lambda \times \vec x\] sera désormais désigné par \(\lambda \vec x\).

Exemples

  1. L’ensemble des vecteurs du plan est un espace vectoriel.
  2. \[{\mathbb{R}^2}\] et \[{\mathbb{R}^3}\] sont des espaces vectoriels. Voir.
  3. L’ensemble noté \[{C^n}\left( {\mathbb{R},\mathbb{R}} \right)\] des fonctions définies de \[\mathbb{R}\] dans \[\mathbb{R}\], continues et dérivables d’ordre \(n\) est un espace vectoriel. Justifier(1).
  4. L’ensemble \[{{\mathbf{P}}_n}\left[ X \right]\] des polynômes de degré inférieur ou égal à \(n\) additionné du polynôme nul est un espace vectoriel. Justifier(2).

Proposition

Pour tout \[\lambda \in \mathbb{R}\] et pour tout \[\vec x \in E\], on a : * (i) \[\lambda \vec 0 = \vec 0\] et \[0\vec x = \vec 0\] * (ii) \[\lambda \vec x = \vec 0 \Rightarrow \left\{ {\lambda = 0{\text{ ou }}\vec x = \vec 0} \right\}\] * (iii) \[\left( { - \lambda } \right)\vec x = \lambda \left( * - \vec x} \right) = - \left( {\lambda \vec x} \right)\] : on peut donc écrire \[ - \lambda \vec x\].

Le point sur…

Nous avons parlé en introduction des vecteurs du plan. Nous venons de voir que \({\mathbb{R}^2} = \left\{ {{{\left( {x,y} \right)} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\left( {x,y} \right)} {x \in \mathbb{R}{\text{ et }}y \in \mathbb{R}}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {x \in \mathbb{R}{\text{ et }}y \in \mathbb{R}}}} \right\}\) est un espace vectoriel. Nous allons maintenant établir le lien que l’on peut faire entre les vecteurs du plan et les éléments de \({\mathbb{R}^2}\).

Si on munit le plan d’un repère (on parle alors de plan affine), alors chaque point du plan est repéré par des coordonnées. Si on appelle \(O\) l’origine du repère, alors pour tout vecteur \[\vec u\] du plan, il existe un unique point M de coordonnées \[\left( {x,y} \right) \in {\mathbb{R}^2}\] tel que \[\vec u = \overrightarrow {OM} \].

Ainsi, la notation \[\vec u = \left( {x,y} \right)\] qui sera largement utilisée dans la suite de ce cours, signifie que \(x\) et \(y\) sont les coordonnées de l’extrémité du vecteur \[\vec u\] dans le plan affine. On appelle \(x\) l’abscisse et \(y\) l’ordonnée.

En conséquence, si \[\left( {a,b} \right)\] et \[\left( {c,d} \right)\] sont les coordonnées des extrémités des vecteurs \[\vec u\] et \[\vec v\], alors les coordonnées de l’extrémité du vecteur \[\vec u + \vec v\] seront \[\left( {a + c,b + d} \right)\]. De même, les coordonnées de l’extrémité du vecteur \[k\vec u\], \[k \in \mathbb{R}\], seront \[\left( {ka,kb} \right)\].

2 Sous-espaces vectoriels

Dans toute la suite l’ensemble \(E\) désignera un espace vectoriel.

Définition

Soit \(E\) un espace vectoriel et \(F\) un sous-ensemble de \(E\) (\[F \subset E\]). \(F\) est un sous-espace vectoriel de \(E\) si \(F\) est lui-même un espace vectoriel pour les lois d’addition et de multiplication par un scalaire définies sur \(E\).

Remarque

Cette définition sous-entend que tout sous-espace vectoriel est lui-même un espace vectoriel. Il en découle les critères d’identification des sous-espaces vectoriels suivants.

Théorème

Soit \(E\) un espace vectoriel et \(F\) un sous-ensemble de \(E\) (\[F \subset E\]). On dit que \(F\) est un sous-espace vectoriel de \(E\) si et seulement si : * (i) F est non vide : \[F \ne \emptyset \] * (ii) \[\forall \left( {\vec x,\vec y} \right) \in F \times F\], alors\[\vec x + \vec y \in F\] : \(F\) est stable pour l’addition * (iii) \[\forall \vec x \in F\], \[\forall \lambda \in \mathbb{R}\], alors \[\lambda \vec x \in F\] : \(F\) est stable pour la multiplication par un scalaire

Exemple

Soit \(E\) un espace vectoriel. L’ensemble constitué du seul élément neutre de la loi de composition interne de \(E\) ainsi que \(E\) lui-même sont des sous-espaces vectoriels de \(E\).

Corollaire

Soit \(E\) un espace vectoriel et \(F\) un sous-ensemble de \(E\) (\[F \subset E\]). Si \(F\) vérifie les propriétés (i) et (ii) suivantes, alors \(F\) est un sous-espace vectoriel de \(E\) : * (i) \(F\) est non vide * (ii) \[\forall \left( {\vec x,\vec y} \right) \in F \times F\], \[\forall \left( {\lambda ,\mu } \right) \in {\mathbb{R}^2}\], alors \[\lambda \vec x + \mu \vec y \in F\]


Exemples

\(1.\)Montrer que l’ensemble \($F = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right) \in {\mathbb{R}^3}} \mathord{\left/\)

\(2.\)\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right) \in {\mathbb{R}^3}} {z = 0}}} \right.\)

  1. \(\kern-\nulldelimiterspace} {z = 0}}} \right\}\)$ est un sous-espace vectoriel de \[{\mathbb{R}^3}\]. Réponse.

Soit f une fonction de classe \[{C^2}\left( {\mathbb{R},\mathbb{R}} \right)\], vérifiant l’équation différentielle suivante : \[f''\left( x \right) + {x^2}f'\left( x \right) + f\left( x \right) = 0\]. Montrer que l’ensemble \(F\) des fonctions solutions de cette équation différentielle est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel des fonctions de classe \[{C^2}\left( {\mathbb{R},\mathbb{R}} \right)\]. Réponse.

3 Combinaisons linéaires, générateurs

On rappelle que \(E\) désigne un espace vectoriel.

Définitions

  1. Soit \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] une famille de vecteurs d’un espace vectoriel \(E\). Tout vecteur de \(E\) de la forme \[{a_1}{\vec u_1} + \ldots + {a_p}{\vec u_p} = \sum\limits_{i = 1}^p {{a_i}{{\vec u}_i}} \] où les \[{a_i} \in \mathbb{R}\] est appelé combinaison linéaire des vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\].

  2. L’ensemble de toutes ces combinaisons linéaires que l’on désigne par \[vect\left( {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right)\] est appelé sous-espace vectoriel engendré par les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\].

Proposition

Soit \(E\) un espace vectoriel. On dit que les \[{\vec u_1}, \ldots ,{\vec u_p}\] engendrent \(E\) ou que les vecteurs \[{\vec u_i}\] \[i * 1,p\] forment une famille génératrice de \(E\) si :

\[E = vect\left( {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right)\]

è En d’autres termes, \[{\vec u_1}, \ldots ,{\vec u_p}\] engendrent \(E\) si, pour tout \[\vec * \in E\], il existe des scalaires \[{a_1}, \ldots ,{a_p}\] tels que \[\vec x = {a_1}{\vec u_1} + \ldots + {a_p}{\vec u_p}\], c’est-à-dire si tout vecteur de \(E\) est une combinaison linéaire des \[{\vec u_i}\], \[i * 1,p\].

Exemples

  1. Montrer que la famille des vecteurs \[{\vec e_1} = \left( {1,0,0} \right)\], \[{\vec e_2} = \left( {0,1,0} \right)\] et \[{\vec e_3} = \left( {0,0,1} \right)\] est une famille génératrice de \[{\mathbb{R}^3}\]. Réponse.
  2. Montrer que \[\left\{ {\left( {1,1,0} \right),\left( {0,1,0} \right),\left( {0,0,3} \right)} \right\}\] est une famille génératrice de \[{\mathbb{R}^3}\]. Réponse.
  3. On peut montrer que l’ensemble \[{{\mathbf{P}}_n}\left[ X \right]\] des polynômes de degré inférieur ou égal à \(n\) est engendré par les polynômes \[1,X,{X^2}, \ldots ,{X^n}\]. Ainsi :

\[{{\mathbf{P}}_n}\left[ X \right] = vect\left( {1,X,{X^2}, \ldots ,{X^n}} \right)\]

4 Dépendance et indépendance linéaire

On rappelle que E désigne un espace vectoriel.

4.1 Famille libre et famille liée

Définition 1 :

Soit \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] une famille de vecteurs d’un espace vectoriel \(E\). On dit que cette famille est libre si et seulement si : \[{\lambda _1}{\vec u_1} + \ldots + {\lambda _p}{\vec u_p} = \vec 0 \Rightarrow {\lambda _1} = \ldots = {\lambda _1} = 0\]. On dit alors que les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\], sont linéairement indépendants.

Définition 2 :

Une famille qui n’est pas libre est dite liée; les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i * 1,p\], sont alors linéairement dépendants ou liés.

Remarques

· Si \[\vec 0\] est l’un des vecteurs \[{\vec u_i}\], par exemple \({\vec u_1} = \vec 0\), alors la famille des vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\], est nécessairement liée, et les vecteurs \[{\vec u_i}\] sont linéairement dépendants. Justifier.

· Si deux des vecteurs \[{\vec u_i}\] sont égaux ou multiples l’un de l’autre, par exemple \[{\vec u_1} = k{\vec u_2}\] avec \[k \ne 0\], alors les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i * 1,p\], sont linéairement dépendants. Justifier.

· Deux vecteurs sont linéairement dépendants si et seulement si ils sont multiples l’un de l’autre. On dit qu’ils sont colinéaires.

Exemples

  1. La famille \[\left\{ {\left( {2, - 4} \right),\left( { - 1,2} \right),\left( {0,1} \right)} \right\}\] est-elle libre ? Réponse.
  2. Montrer que la famille \[\left\{ {\left( {3, - 8, - 1} \right),\left( {0,2,1} \right),\left( { - 1,4,1} \right)} \right\}\] est liée. Réponse.

4.2 Combinaisons linéaires et dépendance linéaire

Proposition

Une famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est liée si et seulement si l’un au moins des vecteurs s’écrit comme une combinaison linéaire des autres vecteurs de la famille.

Conséquence

Si la famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est liée, alors les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\], sont linéairement dépendants, c’est-à-dire qu’il existe des \[{\lambda _i}\], non tous nuls tels que \[{\lambda _1}{\vec u_1} * \ldots + {\lambda _p}{\vec u_p} = \vec 0\]. Ainsi, en supposant que \[{\lambda _1} \ne 0\], on peut écrire :

\[{\vec u_1} = - \frac{{{\lambda _2}}}{{{\lambda _1}}}{\vec u_2} - \ldots - \frac{{{\lambda _p}}}{{{\lambda _1}}}{\vec u_p}\]

\[{\vec u_1}\] est bien une combinaison linéaire des autres vecteurs \[{\vec u_2}, \ldots ,{\vec u_p}\].

5 Somme et somme directe

5.1 Somme de deux sous-espaces vectoriels

Définition

Soient \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de l’espace vectoriel \(E\).

La somme de \(F\) et \(G\), qui s’écrit \[F + G\], est l’ensemble constitué de toutes les sommes \[\vec u + \vec v\] avec \[\vec u \in F\] et \[\vec v \in G\]. Ainsi \($F + G = \left\{ {{{\vec u + \vec v} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\vec u + \vec v} {\vec u \in F{\text{ et }}\vec v \in G}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {\vec u \in F{\text{ et }}\vec v \in G}}} \right\}\)$.

Si on considère \(F\) et \(G\) comme deux sous-espaces vectoriels de l’espace vectoriel \(E\), alors :

\[\left( {{{\vec u}_1} + {{\vec v}_1}} \right) + \left( {{{\vec u}_2} + {{\vec v}_2}} \right) = \left( {{{\vec u}_1} + {{\vec u}_2}} \right) + \left( {{{\vec v}_1} + {{\vec v}_2}} \right) \in F + G\]

\[k\left( {{{\vec u}_1} + {{\vec v}_1}} \right) = k{\vec u_1} + k{\vec v_1} \in F + G\]

Tout ceci permet d’en arriver au théorème suivant :

Théorème 1

La somme de sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel \(E\) est aussi un sous-espace vectoriel de \(E\).

Théorème 2

Soient \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de dimension finie de \(E\). Alors \[F + G\] est de dimension finie et :

\[\dim \left( {F + G} \right) = \dim \left( F \right) + \dim \left( G \right) - \dim \left( {F \cap G} \right)\] *

Exemple

Considérons l’espace vectoriel \[{\mathbb{R}^3}\]. Soient \($F = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {z = 0}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {z = 0}}} \right\}\)$ et \($G = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {x = 0}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {x = 0}}} \right\}\)$. Donner la dimension de \[F \cap G\]. Réponse.

5.2 Somme directe

Définition

L’espace vectoriel \(E\) est dit la somme directe des sous-espaces vectoriels \(F\) et \(G\), et on note \[E = F \oplus G\], si chaque vecteur \[\vec x \in E\] s’écrit d’une manière unique sous la forme \[\vec x = \vec u + \vec v\] avec \[\vec u \in F\] et \[\vec v \in G\].

Théorème

L’espace vectoriel \(E\) est la somme directe des deux sous-espaces vectoriels \(F\) et \(G\) si et seulement si \[E = F + G\] et \[F \cap G = \left\{ {\vec 0} \right\}\].

Exemples

  1. Considérons l’espace vectoriel \[{\mathbb{R}^3}\]. Considérons les deux sous-espaces vectoriels \[F = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/$</li> <li>${\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {z = 0}}} \right.$</li> <li>$\kern-\nulldelimiterspace} {z = 0}}} \right\}\] et \[G = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/$</li> <li>${\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {x = 0}}} \right.$</li> <li>$\kern-\nulldelimiterspace} {x = 0}}} \right\}\]. Montrer que \(F\) et \(G\) ne sont pas en somme directe. Réponse.
  2. Considérons l’espace vectoriel \[{\mathbb{R}^3}\]. Considérons les deux sous-espaces vectoriels \[F' = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/$</li> <li>${\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {z = 0}}} \right.$</li> <li>$\kern-\nulldelimiterspace} {z = 0}}} \right\}\] et \[G' = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/$</li> <li>${\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {x = y = 0}}} \right.$</li> <li>\]-} {x = y = 0}}} }\[. Montrer que \]{^3} = F’ G’$$. Réponse.

Propriété

Soient \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de \(E\). La somme de \(F\) et \(G\) est directe si et seulement si \[\forall \vec x \in F + G\], il existe un unique couple \[\left( {\vec u,\vec v} \right) \in F \times G\] tel que \[\vec x = \vec u + \vec v\].

5.3 Sous-espaces supplémentaires

Définition

Soient \(E\) un espace vectoriel, \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de \(E\). \(F\) et \(G\) sont dits supplémentaires dans \(E\) lorsque leur somme est directe et égale à E : \[F \oplus G = E\].

Propriété

Soient \(F\) et \(G\) deux sous-espaces vectoriels de \(E\). \(F\) et \(G\) sont supplémentaires dans E si et seulement si \[E * F + G\] et \[F \cap G = \left\{ {\vec 0} \right\}\].

Exemple

Dans l’exemple ci-dessus, \($F' * \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {z = 0}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {z = 0}}} \right\}\)$ et \($G' = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right)} \mathord{\left/\)

\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right)} {x = y = 0}}} \right.\)

\(\kern-\nulldelimiterspace} {x = y = 0}}} \right\}\)$ sont supplémentaires dans \[{\mathbb{R}^3}\].

6 Base et dimension d’un espace vectoriel

On rappelle que E désigne un espace vectoriel.

6.1 Définitions

Définition 1

Une famille de vecteurs \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] d’un espace vectoriel \(E\) est une base de \(E\) si les deux conditions suivantes sont vérifiées :

  1. Les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\], sont linéairement indépendants : La famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est libre.

  2. Les vecteurs \[{\vec u_i}\], \[i = 1,p\], engendrent \(E\) : La famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est génératrice.

Définition 2

Une famille de vecteurs \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est une base de l’espace vectoriel \(E\) si tout \[\vec x \in E\] peut s’écrire de manière unique comme une combinaison linéaire des \[{\vec u_i}\].

Conséquence

Un espace vectoriel \(E\) est dit de dimension finie \(n\), et on écrit \[\dim \left( E \right) = n\], si \(E\) admet une base de \(n\) vecteurs.

Théorème 1

Soit \(E\) un espace vectoriel de dimension finie. Alors toute base de \(E\) a le même nombre d’éléments.

Remarques

« L’espace vectoriel \[\left\{ 0 \right\}\] est défini par sa dimension 0.

« Si un espace vectoriel n’est pas de dimension finie, on dit qu’il est de dimension infinie.

Théorème 2

Dans un espace vectoriel \(E\) de dimension finie, il existe toujours des bases.

Proposition

Soit \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] une base de \(E\). Alors :

\[\exists \;!\;\left( {{a_1}, \ldots ,{a_p}} \right) \in {\mathbb{R}^p}\] tel que \[\vec x = \sum\limits_{i = 1}^p {{a_i}{{\vec u}_i}} \]

Les réels \[\left( {{a_1}, \ldots ,{a_p}} \right)\] sont appelées les coordonnées (on dit aussi composantes) de \[\vec x\] relativement à la base \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\].

Remarque

L’existence de la décomposition pour tout \[\vec x \in E\] vient du fait que la famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est génératrice ; l’unicité du fait que la famille \[\left\{ {{{\vec u}_1}, \ldots ,{{\vec u}_p}} \right\}\] est libre.

Exemples

  1. Montrer que la famille \[\left\{ {{{\vec u}_1},{{\vec u}_2}} \right\}\] avec \[{\vec u_1} = \left( {1,2} \right)\] et \[{\vec u_2} = \left( { - 1,0} \right)\] est une base de \[{\mathbb{R}^2}\]. Réponse.

  2. Montrer que la famille \[\left\{ {{{\vec e}_1},{{\vec e}_2},{{\vec e}_3}} \right\}\] telle que \[{\vec e_1} = \left( {1,0,0} \right)\], \[{\vec e_2} = \left( {0,1,0} \right)\] et \[{\vec e_3} = \left( {0,0,1} \right)\], est une base de \[{\mathbb{R}^3}\]. Réponse.

Définition

\[\left\{ {{{\vec e}_1},{{\vec e}_2},{{\vec e}_3}} \right\}\] forment une base de \[{\mathbb{R}^3}\]. Cette base est dite canonique.

En généralisant à \[{\mathbb{R}^p}\], l’ensemble des vecteurs \[\left\{ {{{\vec e}_1},{{\vec e}_2}, \ldots ,{{\vec e}_p}} \right\}\] tels que \[{\vec e_i}\] a toutes ses composantes nulles sauf en \(i\)ème position où elle est égale à 1 forme la base canonique de \[{\mathbb{R}^p}\].

Corollaire (des théorèmes 1 et 2)

Dans un espace vectoriel de dimension \(p\) :

Remarque

Les deux dernières propriétés énoncées dans le corollaire signifie que si \[\dim \left( E \right) = p\], pour toute famille de \(p\) vecteurs, libre \[ \Leftrightarrow \] génératrice \[ \Leftrightarrow \] base (une des deux propriétés suffit).

Exemples

  1. Déterminer la dimension de \[{\mathbb{R}^3}\]. Réponse.
  2. Déterminer la dimension de \[{{\mathbf{P}}_n}\left[ X \right]\]. Réponse.

Définition

Dans le cas général, on a \(\dim {\mathbb{R}^p} = p\).

6.2 Dimension et sous-espace

Théorème

Soit \(F\) un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel \(E\) de dimension \(n\). Alors \[\dim \left( F \right) \leqslant n\].

En particulier si \[\dim \left( F \right) = n\], alors nécessairement \[F = E\]. *

Exemple

Soit \(F\) un sous-espace vectoriel de \[{\mathbb{R}^3}\]. Alors la dimension de \(F\) ne peut être qu’égale à 0, 1, 2 ou 3 :

« Si \[\dim \left( F \right) = 0\], alors \(F\) est réduit à l’origine ;

« Si \[\dim \left( F \right) = 1\], alors \(F\) est une droite issue de l’origine ;

« Si \[\dim \left( F \right) = 2\], alors \(F\) est un plan passant par l’origine ;

« Si \[\dim \left( F \right) = 3\], alors \(F\) est égal à \[{\mathbb{R}^3}\] tout entier.

7 Exemples d’utilisation en Biologie

7.1 Les oiseaux nicheurs rhônalpins

Unnamed Image

Unnamed Image

L’ouvrage de Lebreton, P. (1977)[1] sur les oiseaux nicheurs rhônalpins met à disposition sous la forme d’un tableau un relevé de mesures réalisées sur le terrain : * *

Unnamed Image

Unnamed Image

Lieu

A

B

C

D

E

F

G

1

-6.6

1.1

9.7

22.9

131.5

139.5

1597

2

-7.5

0.1

8.2

20.8

115

145

1613

3

-8.5

-0.1

8.6

22

113

146.5

1738

4

-9.2

-1.7

6.5

17.3

103

138

1630

5

-8

0.2

7.5

21.6

110

129

1492

6

-7.8

0.5

8.6

21

113

130

1415

7

-2.9

2.8

11.5

19.8

188.5

141.5

1849

8

-8.4

-1

8.3

21.1

100

120

1473

9

-6.8

2.3

8.8

21.4

100

85

978.5

10

-6.8

0.8

9.5

22.8

75

38

784.5

11

-6.3

1.9

8.1

19.2

77

80.5

976

12

-4

5.5

10.5

24.2

69

79

1239

13

-7.2

1.2

9.6

22.9

65

72.5

1125

14

-10.1

0.2

5.3

19.7

65

70

1025

15

-8.9

2.2

7.6

22.7

65

41

771.5

16

-1.6

7.3

12.6

27.6

51

47.5

920

17

-4

5

10

24.5

66

57.5

1010

18

-6.6

2.8

8.9

24.7

98.5

52

1116

19

-7

1.8

8.6

21.9

112

68

1248

20

-6.3

3.5

10.5

24.3

57.5

55

767.5

21

-8.6

2.6

7.6

22.4

49.5

48.5

766.5

22

-3.4

7.3

12.5

27.4

56.5

29.5

926.5

23

-6.6

4

9.8

26

77.5

47

955

Ces données concernent 23 lieux au cœur desquels ont été mesurées les sept variables suivantes :

· \(A\) : la température minimale observée en Janvier (°C)

· B : la température maximale observée en Janvier (°C)

· \(C\) : la température minimale observée en Juillet (°C)

· \(D\) : la température maximale observée en Juillet (°C)

· \(E\) : la pluviométrie moyenne en Janvier (mm)

· \(F\) : la pluviométrie moyenne en Juillet (mm)

· \(G\) : la pluviométrie moyenne en annuelle (mm)

Ce tableau permet d’étudier les données de deux points de vue différents : dans l’espace des individus ou dans l’espace des variables. Ainsi, dans l’espace des individus, on dispose de 23 vecteurs ayant chacun sept coordonnées : on travaille dans l’espace vectoriel \[{\mathbb{R}^7}\]. Dans l’espace des variables, on dispose de sept vecteurs avec chacun 23 coordonnées : on est dans l’espace vectoriel \[{\mathbb{R}^{23}}\].

7.2 Un contre-exemple : Le champ de blé

Unnamed Image

Unnamed Image

Une plante (le blé) peut se présenter sous trois formes A1, A2, A3. On caractérise une population de cette plante (le champ de blé) par les fréquences de chacune de ces trois formes que l’on note \[{f_1},{f_2},{f_3}\] : \({f_i} = \frac{{{\text{Nombre de plantes }}{{\text{A}}_{\text{i}}}}}{{{\text{Nombre total de plantes}}}}\).

Une population se représente alors comme un vecteur de \[{\mathbb{R}^3}\] de composantes \[\left( {{f_1},{f_2},{f_3}} \right)\].

· On peut aisément montrer que \[{f_1} * {f_2} + {f_3} = 1\].

· Si on appelle \[P\] le sous-ensemble de \[{\mathbb{R}^3}\] formé de toutes les populations possibles. \[P\] est-il un sous-espace vectoriel de \[{\mathbb{R}^3}\] ?

\(1.\)\(P = \left\{ {{{\left( {x,y,z} \right) \in {\mathbb{R}^3}} \mathord{\left/\)

\(2.\)\({\vphantom {{\left( {x,y,z} \right) \in {\mathbb{R}^3}} {x + y + z = 1}}} \right.\)

  1. \(\kern-\nulldelimiterspace} {x + y + z = 1}}} \right\}\)$ : \[P \subset {\mathbb{R}^3}\].

  2. \[P\] est non vide : les vecteurs \[{\vec e_i}\] de la base canonique de \[{\mathbb{R}^3}\] sont éléments de \[P\].

  3. Soient \[\vec x,\vec y \in P\] et \[\lambda ,\mu \in \mathbb{R}\].

\[\vec * = \left( {{x_1},{y_1},{z_1}} \right)\] \(\vec y = \left( {{x_2},{y_2},{z_2}} \right)\) avec \[{x_1} + {y_1} + {z_1} = 1\] et \[{x_2} + {y_2} + {z_2} = 1\]

\[\lambda \vec x + \mu \vec y = \left( {\lambda {x_1} + \mu {x_2},\lambda {y_1} + \mu {y_2},\lambda {z_1} + \mu {z_2}} \right)\]

\[\left( {\lambda {x_1} + \mu {x_2}} \right) + \left( {\lambda {y_1} + \mu {y_2}} \right) + \left( {\lambda {z_1} + \mu {z_2}} \right) = \lambda \left( {{x_1} + {y_1} + {z_1}} \right) + \mu \left( {{x_2} + {y_2} + {z_2}} \right) = \lambda * \mu \]

Or \[\lambda + \mu \ne 1\], sauf dans quelques cas particuliers : \[P\] n’est pas un sous-espace vectoriel.


[1] Lebreton, Ph. . (1977) Les oiseaux nicheurs rhônalpins. Atlas ornithologique Rhône-Alpes. Centre Ornithologique Rhône-Alpes, Université Lyon 1, 69621 Villeurbanne. Direction de la Protection de la Nature, Ministère de la Qualité de la Vie. 1-354. Voir aussi http://pbil.univ-lyon1.fr/R/enseignement.html.